Placer vos actions US dans un REER n’est que la première étape ; la véritable optimisation fiscale réside dans un arbitrage stratégique entre vos différents comptes et types d’actifs.
- Les dividendes d’actions américaines détenues dans un REER échappent à la retenue à la source de 15% grâce à la convention fiscale Canada-É.-U., mais ce même compte annule le traitement fiscal avantageux des dividendes canadiens.
- La vente à perte est un outil puissant pour réduire votre facture d’impôt, mais la règle de la « perte apparente » de 30 jours de l’ARC s’applique à vous, votre conjoint(e) et tous vos comptes enregistrés.
Recommandation : Considérez vos comptes (REER, CELI, non-enregistré) non comme des silos, mais comme un système intégré pour minimiser votre friction fiscale globale à chaque étape de votre vie d’investisseur.
Pour tout investisseur canadien détenant des actions américaines, la ligne « retenue d’impôt non-résident » sur un relevé de compte est une source de frustration récurrente. Ce prélèvement de 15 % sur chaque dollar de dividende versé par des sociétés comme Apple ou Microsoft peut sembler une fatalité. La réponse la plus courante, et souvent la seule offerte, est de loger ces titres dans un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Si ce conseil est techniquement juste, il ne représente que la surface d’une stratégie patrimoniale beaucoup plus profonde et nuancée.
La simple localisation d’actifs dans un compte unique est une approche unidimensionnelle. Elle ignore l’interaction complexe entre les différents types de revenus de placement, les crédits d’impôt spécifiques au Canada, les règles de pertes en capital et, ultimement, la fiscalité successorale. L’efficience fiscale ne consiste pas à éviter un seul impôt, mais à orchestrer l’ensemble de son portefeuille pour minimiser la friction fiscale globale. Cela demande un arbitrage constant : est-il plus avantageux de protéger un dividende américain de la retenue ou de profiter du crédit d’impôt substantiel sur un dividende canadien ? La réponse change selon vos actifs, vos revenus et votre étape de vie.
Cet article dépasse le conseil générique. Nous allons décortiquer la mécanique fiscale qui gouverne vos placements. L’objectif n’est pas de vous donner une règle unique, mais de vous fournir les clés de l’arbitrage fiscal. Vous apprendrez non seulement où placer vos actifs, mais aussi comment et quand les vendre, comment structurer vos revenus pour une imposition minimale, et comment planifier leur transmission sans subir les foudres du fisc américain. Il s’agit de passer d’une gestion passive de l’impôt à une stratégie patrimoniale active.
Pour naviguer avec précision dans ces stratégies complexes, ce guide est structuré pour vous accompagner pas à pas, du concept le plus fondamental aux tactiques les plus avancées. Le sommaire ci-dessous vous permettra d’accéder directement aux sections qui vous intéressent le plus.
Sommaire : Stratégies fiscales avancées pour vos actions américaines
- Pourquoi mettre vos obligations dans un REER et vos actions canadiennes dans un compte non enregistré ?
- Comment vendre à perte en décembre pour réduire votre facture fiscale d’avril ?
- Intérêts, dividendes ou gain en capital : quel revenu est le moins taxé pour vous ?
- L’erreur de racheter une action trop vite après l’avoir vendue à perte
- Dans quel ordre vider vos comptes (CELI vs REER) à la retraite pour payer 0 $ d’impôt ?
- RRQ et REER : lequel prioriser pour ne pas dépendre de l’État plus tard ?
- Pourquoi l’EBITDA est-il le seul chiffre qui compte vraiment lors d’un rachat ?
- Héritage ou don du vivant : quelle stratégie fiscale privilégier au Canada ?
Pourquoi mettre vos obligations dans un REER et vos actions canadiennes dans un compte non enregistré ?
La localisation optimale des actifs repose sur un principe fondamental : placer les actifs les plus fiscalement « inefficients » dans les abris fiscaux les plus puissants. Les revenus d’intérêts, générés par les obligations et les liquidités, sont imposés à 100 % à votre taux marginal. Ils constituent donc l’actif fiscalement le plus « toxique » et leur place naturelle est dans un REER ou un CELI, où leur croissance est à l’abri de l’impôt. À l’inverse, le gain en capital n’est imposable qu’à 50 %, le rendant plus adapté à un compte non enregistré.
Pour les actions américaines, la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis exempte de la retenue de 15 % les dividendes versés dans un compte de retraite comme le REER. C’est pourquoi le REER est le véhicule privilégié pour ces titres. Cependant, dans un CELI, cette protection n’existe pas, résultant en une perte sèche de 15% de vos dividendes américains. Cette friction fiscale rend le CELI particulièrement inadéquat pour les actions américaines à fort dividende.
L’arbitrage devient crucial avec les actions canadiennes. Celles-ci bénéficient d’un crédit d’impôt pour dividendes « déterminés », un mécanisme qui réduit considérablement leur fardeau fiscal dans un compte non enregistré. Placer ces actions dans un REER neutralise cet avantage. Le REER se transforme alors en simple report d’impôt, alors qu’il aurait pu servir à annuler une friction fiscale plus importante, comme la retenue américaine.
Étude de cas : L’arbitrage du crédit d’impôt pour dividende au Québec
Prenons un investisseur québécois dans la tranche d’imposition maximale de 53,31%. Grâce au mécanisme de majoration et de crédit d’impôt, le taux effectif d’imposition sur un dividende canadien déterminé tombe à environ 40%. Cette économie substantielle justifie souvent de conserver ces actions hors du REER, libérant ainsi un espace précieux pour y loger des actions américaines, qui, elles, bénéficient pleinement de l’exemption de retenue de 15%.
La stratégie consiste donc en une permutation d’actifs : les actions canadiennes à dividendes dans le compte non enregistré pour maximiser le crédit d’impôt, et les actions américaines à dividendes dans le REER pour annuler la retenue à la source. Le CELI, quant à lui, est idéal pour les actifs générant principalement du gain en capital (actions de croissance canadiennes ou américaines) ou pour des titres sans dividende.
Comment vendre à perte en décembre pour réduire votre facture fiscale d’avril ?
La « récolte de pertes fiscales » (tax-loss harvesting) est une stratégie proactive consistant à vendre des titres en position de perte dans un compte non enregistré. La perte en capital ainsi réalisée peut être utilisée pour compenser les gains en capital réalisés durant l’année, ou reportée sur les trois années précédentes ou indéfiniment dans le futur. Cela permet de réduire directement votre impôt à payer. Décembre est le mois de prédilection pour cette manœuvre, car il permet de cristalliser les pertes de l’année fiscale en cours avant la date limite, généralement fixée à quelques jours ouvrables avant le 31 décembre.
Cependant, cette stratégie est encadrée par une règle stricte de l’Agence du revenu du Canada (ARC) : la règle de la « perte apparente ». Si vous, votre conjoint(e), ou un compte que vous contrôlez (y compris votre REER ou CELI) rachetez le même titre dans les 30 jours avant ou après la vente, la perte est refusée. Cette fenêtre de 61 jours (30 jours avant + jour de la vente + 30 jours après) est un piège courant qui annule tout le bénéfice fiscal de l’opération.
Le défi est donc de réaliser la perte sans pour autant sortir du marché et manquer un rebond potentiel. Une solution élégante consiste à vendre un titre et à racheter immédiatement un titre similaire mais non identique. Par exemple, vendre un FNB qui suit l’indice S&P 500 (comme SPY) et le remplacer par un autre FNB qui suit le même indice mais est émis par une autre société (comme VFV). L’ARC considère ces FNB comme des biens distincts, vous permettant de maintenir votre exposition au marché tout en validant votre perte fiscale.

Ce calendrier symbolique illustre la fenêtre critique à surveiller. La clé est une planification rigoureuse pour s’assurer qu’aucune transaction sur le même titre ne vienne invalider la perte cristallisée. Documenter chaque étape, du calcul du prix de base rajusté (PBR) à la date des transactions, est fondamental pour justifier votre position en cas d’audit.
Plan d’action : Votre checklist pour la vente à perte
- Identification : Avant la date limite de fin décembre (typiquement autour du 27), identifiez toutes les positions en perte dans votre portefeuille non enregistré.
- Vérification passée : Confirmez qu’aucun achat du même titre (par vous, votre conjoint ou vos comptes affiliés) n’a été effectué dans les 30 jours précédant la date de vente envisagée.
- Planification future : Engagez-vous à ce que ni vous, ni une personne affiliée, ne rachètera le même titre dans les 30 jours suivant la vente.
- Documentation : Calculez et documentez précisément le Prix de Base Rajusté (PBR) en dollars canadiens, en tenant compte des variations de change si le titre est américain, pour établir le montant exact de la perte.
- Substitution : Si vous souhaitez conserver une exposition au marché, planifiez le rachat d’un FNB ou d’une action similaire mais non identique (ex: vendre l’action de la Banque A et acheter celle de la Banque B).
Intérêts, dividendes ou gain en capital : quel revenu est le moins taxé pour vous ?
Tous les revenus de placement ne sont pas créés égaux aux yeux du fisc. Comprendre leur hiérarchie fiscale est la clé pour structurer un portefeuille efficient. Au Canada, le gain en capital est le plus avantagé : seulement 50 % de sa valeur est ajoutée à votre revenu imposable. Vient ensuite le dividende canadien déterminé, qui, grâce à un mécanisme de majoration et de crédit d’impôt, bénéficie d’un taux d’imposition effectif bien inférieur à votre taux marginal. Finalement, les revenus d’intérêts et les dividendes étrangers (comme ceux des actions américaines dans un compte non enregistré) sont les moins bien traités : 100 % de leur montant est imposable à votre taux marginal. Pour un résident du Québec au revenu élevé, la différence est majeure : un dividende américain peut être taxé jusqu’à 53,31%, contre environ 40% pour un dividende canadien déterminé.
Comme le souligne l’expert en fiscalité Martin Dupras pour Finance et Investissement :
Les dividendes étrangers sont essentiellement imposés comme un revenu d’intérêts. Le traitement préférentiel dont profitent les dividendes canadiens, soient la majoration et le crédit d’impôt pour dividendes, ne s’applique pas aux dividendes étrangers.
– Martin Dupras, Finance et Investissement
Cette réalité crée un dilemme pour les titres américains détenus hors REER. Non seulement ils subissent la retenue à la source de 15% (récupérable comme crédit pour impôt étranger), mais le solde du dividende est ensuite lourdement taxé. Face à cette double friction fiscale, des stratégies d’ingénierie financière ont vu le jour. La plus connue est l’utilisation de FNB à structure de « swap ».
Étude de cas : L’optimisation fiscale via les FNB de type swap
Des FNB comme ceux de la série Horizons Total Return Index (par exemple, HXS pour le S&P 500) utilisent un contrat de swap avec une institution financière pour répliquer le rendement total d’un indice, dividendes inclus. Juridiquement, le FNB ne reçoit aucun dividende. Le rendement des dividendes est plutôt converti et intégré dans la valeur de la part du FNB. Lorsque vous vendez le FNB, l’intégralité du rendement (incluant la composante « dividende ») est traitée comme un gain en capital, imposable à 50%. Cette structure permet de transformer un revenu de dividende américain (imposable à 53,31%) en gain en capital (imposable à 26,65%). Pour un investisseur dans la tranche marginale la plus élevée, c’est une économie d’impôt de près de 27% sur chaque dollar de dividende, tout en contournant la retenue à la source de 15% si le FNB est détenu en CELI.
Ces instruments ne sont pas sans risques (notamment le risque de contrepartie et les changements réglementaires potentiels), mais ils illustrent à quel point la structure d’un produit peut radicalement altérer son traitement fiscal. Choisir un FNB n’est plus seulement une question de frais de gestion, mais aussi une décision fiscale stratégique.
L’erreur de racheter une action trop vite après l’avoir vendue à perte
La règle de la perte apparente, évoquée précédemment, est une disposition anti-évitement fiscal qui mérite une analyse plus approfondie tant ses ramifications sont étendues. Son objectif est d’empêcher un contribuable de cristalliser une perte en capital à des fins fiscales tout en conservant, de facto, sa position sur le marché. Le non-respect de cette règle n’entraîne pas de pénalité, mais une conséquence plus insidieuse : la perte en capital est refusée pour la déduction et est plutôt ajoutée au prix de base rajusté (PBR) du titre racheté. Vous ne pourrez donc bénéficier de cette perte que lors de la vente future et finale du titre, ce qui diffère considérablement l’avantage fiscal.
L’aspect le plus souvent sous-estimé de cette règle est sa portée. Elle ne s’applique pas seulement à vous personnellement, mais à un cercle de « personnes affiliées » défini par l’ARC. Si vous vendez une action à perte et que votre conjoint(e) la rachète dans les 30 jours, la perte vous est refusée. Il en va de même si l’achat est fait par une société que vous contrôlez, ou même dans votre propre CELI ou REER. L’écosystème financier de votre ménage est traité comme une seule et même entité pour l’application de cette règle.
Voici un aperçu des relations considérées comme affiliées par l’ARC et leur impact sur la reconnaissance de votre perte en capital.
| Type de relation | Considéré affilié | Impact sur la perte apparente |
|---|---|---|
| Vous-même (dans un autre compte) | Oui | Rachat dans les 30 jours interdit (ex: vente en non-enregistré, rachat en CELI) |
| Conjoint(e) ou conjoint(e) de fait | Oui | Achat par le/la conjoint(e) dans les 30 jours = perte refusée pour vous |
| Vos comptes enregistrés (REER/CELI/FERR) | Oui | Achat dans un de vos comptes enregistrés = perte refusée |
| Société que vous contrôlez | Oui | Achat par votre société de portefeuille (SPA) = perte refusée |
| Enfants majeurs | Non | Vos enfants majeurs peuvent racheter le titre sans que votre perte soit considérée comme apparente |
La complexité augmente en cas de rachat partiel. Si vous vendez 100 actions et en rachetez 50 dans la période de 30 jours, la perte ne sera pas totalement refusée, mais seulement en partie, proportionnellement au nombre d’actions rachetées. Le calcul de la perte apparente partielle suit une formule précise définie par l’ARC, qui correspond au minimum de (A, B, C) / A × Perte totale, où A est le nombre de biens vendus, B le nombre de biens rachetés et C le nombre de biens détenus à la fin de la période de 30 jours.
Naviguer dans ces règles exige une coordination et une communication sans faille, surtout si vous et votre conjoint(e) gérez vos portefeuilles de manière indépendante. Une simple transaction non coordonnée peut anéantir une stratégie de récolte de pertes fiscales soigneusement planifiée.
Dans quel ordre vider vos comptes (CELI vs REER) à la retraite pour payer 0 $ d’impôt ?
La phase d’accumulation est une chose, mais la phase de décaissement à la retraite est un tout autre jeu stratégique. L’objectif n’est plus seulement de faire croître les actifs, mais de les convertir en revenus de la manière la plus fiscalement efficiente possible. L’ordre dans lequel vous retirez des fonds de vos comptes (REER, CELI, non-enregistré) a un impact monumental sur votre impôt à payer et sur la longévité de votre patrimoine.
La sagesse conventionnelle suggère souvent de vider le compte non enregistré en premier, puis le REER/FERR, et de garder le CELI pour la fin, car ses retraits sont non imposables. Si cette approche est simple, elle est rarement optimale. Une stratégie plus sophistiquée vise à « lisser » le revenu imposable tout au long de la retraite pour rester dans les tranches d’imposition les plus basses chaque année. Cela implique souvent de commencer à retirer de petites sommes du REER/FERR tôt dans la retraite, même si vous n’en avez pas besoin, pour profiter des crédits d’impôt de base et des tranches d’imposition faibles.
L’objectif ultime, pour certains, est de structurer les retraits de manière à payer 0$ d’impôt. Au Canada, un individu bénéficie d’un montant personnel de base (fédéral et provincial) qui constitue un revenu non imposable (environ 15 000 $). Une stratégie consiste à retirer du REER/FERR juste assez pour atteindre ce seuil, puis de compléter ses besoins en revenus avec des retraits non imposables du CELI. Cette approche préserve le capital du CELI plus longtemps que le décaissement total du REER, mais elle maximise l’efficacité fiscale année après année.

Cette image illustre la nature distincte de chaque compte : le REER (marbre poli) est un capital imposable à terme, le CELI (verre givré) est un capital libre d’impôt, et le non-enregistré (acier brossé) est un mélange de capital et de gains imposables. L’art du décaissement consiste à puiser dans ces différentes réserves de manière orchestrée. Une autre tactique consiste à vider le REER plus agressivement durant les années où la Sécurité de la vieillesse (PSV) n’est pas encore versée, afin de réduire le revenu imposable futur et d’éviter la récupération de la PSV, un impôt de facto sur les retraités à revenu plus élevé.
Il n’y a pas de réponse unique. La stratégie optimale dépend de vos autres sources de revenus (fonds de pension, RRQ), de votre état de santé et de vos objectifs successoraux. La seule certitude est que l’ordre « par défaut » est rarement le meilleur.
RRQ et REER : lequel prioriser pour ne pas dépendre de l’État plus tard ?
La question de la priorisation entre le Régime de rentes du Québec (RRQ) et le REER est centrale dans la planification de la retraite. Le REER est un véhicule d’épargne individuel, tandis que le RRQ est un régime public obligatoire. Beaucoup voient le REER comme le principal outil pour s’assurer une retraite confortable, mais cette vision peut négliger la puissance financière d’une gestion stratégique du RRQ.
En effet, l’une des décisions les plus impactantes que vous prendrez pour votre retraite est l’âge auquel vous commencerez à recevoir vos rentes du RRQ (et de la Pension de la sécurité de la vieillesse – PSV). Vous pouvez les demander dès 60 ans (avec une pénalité) ou les reporter jusqu’à 70 ans (avec une bonification substantielle et viagère). Chaque année de report après 65 ans augmente votre rente de 8,4 %. Reporter de 65 à 70 ans résulte en une rente 42 % plus élevée, à vie, et indexée à l’inflation.
Cette bonification représente un rendement garanti et sans risque, offert par l’État. C’est pourquoi certains planificateurs financiers considèrent le report du RRQ/PSV comme l’équivalent d’acheter une « super obligation » gouvernementale. Aucune obligation sur le marché ne peut offrir un tel rendement garanti. Pour financer les années de vie entre 65 et 70 ans, un retraité peut alors puiser dans son REER. Cette stratégie a un double avantage : elle maximise une source de revenu garantie à vie (le RRQ) et elle décaisse le REER durant des années où le revenu imposable est potentiellement plus bas, ce qui peut réduire l’impôt global payé sur la durée de la retraite.
La priorisation n’est donc pas « RRQ ou REER », mais « comment le REER peut-il servir à optimiser le RRQ ? ». Pour un individu en bonne santé avec une espérance de vie moyenne ou supérieure, le calcul est souvent favorable au report. Le REER devient alors un « fonds de pont » qui permet d’atteindre l’âge de 70 ans pour débloquer une rente publique maximale. Cette approche réduit la dépendance au rendement des marchés financiers durant les dernières années de la vie, une période où la tolérance au risque diminue naturellement.
Pourquoi l’EBITDA est-il le seul chiffre qui compte vraiment lors d’un rachat ?
Le titre de cette section, bien que pertinent dans un contexte de fusion et acquisition d’entreprise, doit être nuancé pour l’investisseur individuel. Si l’EBITDA (BAIIA en français : bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements) est une métrique clé pour évaluer la rentabilité opérationnelle brute d’une entreprise, il peut être trompeur pour l’investisseur passif qui cherche à évaluer la capacité d’une société à verser et à augmenter son dividende. L’EBITDA ignore deux éléments cruciaux : les impôts et les dépenses en capital (CapEx). Une entreprise peut avoir un EBITDA élevé mais être contrainte par de lourds investissements nécessaires pour maintenir ses opérations, laissant peu de liquidités pour les actionnaires.
Pour l’investisseur en actions américaines à dividendes, une métrique bien plus pertinente est le Free Cash Flow (FCF) ou flux de trésorerie disponible. Le FCF représente l’argent qu’il reste à l’entreprise après avoir payé toutes ses dépenses opérationnelles et ses investissements en capital. C’est cet argent qui est réellement disponible pour rembourser la dette, racheter des actions ou, plus important encore, verser des dividendes. La fiabilité de l’EBITDA est d’ailleurs compliquée par le fait que des différences dans les normes comptables peuvent exister. Par exemple, il peut y avoir jusqu’à 15% de variation dans l’EBITDA reporté selon que l’on applique les normes IFRS (internationales) ou US GAAP (américaines).
Étude de cas : Free Cash Flow vs. EBITDA pour les actions à dividendes US
Prenons des géants du dividende comme Coca-Cola ou Johnson & Johnson. Leur EBITDA est impressionnant, mais c’est le ratio de distribution du FCF (dividendes versés / FCF) qui révèle la véritable soutenabilité du dividende. Un ratio durablement inférieur à 75% (ou, pour être plus conservateur, un ratio FCF/dividendes versés supérieur à 1,5x) est considéré comme sain. Il indique que l’entreprise génère suffisamment de liquidités pour payer ses dividendes et a encore une marge de manœuvre pour les augmenter ou faire face à des imprévus. Un investisseur qui se concentre uniquement sur l’EBITDA pourrait passer à côté de ce signal vital de santé financière.
Par conséquent, pour l’investisseur individuel, l’EBITDA n’est pas le seul chiffre qui compte. C’est plutôt le Free Cash Flow qui offre la vision la plus claire de la capacité d’une entreprise à récompenser ses actionnaires sur le long terme. C’est un indicateur de qualité qui transcende les artifices comptables et se concentre sur ce qui importe le plus : les liquidités réelles générées par l’activité.
À retenir
- Le REER est le seul compte qui annule la retenue de 15% sur les dividendes US, mais il neutralise le crédit d’impôt pour les dividendes canadiens. Un arbitrage est nécessaire.
- La règle de la « perte apparente » de 30 jours est un piège majeur lors de la vente à perte. Elle s’applique à vous, votre conjoint(e) et tous vos comptes affiliés.
- L’impôt successoral américain se déclenche dès que vous détenez plus de 60 000 $ US d’actifs américains. Des stratégies comme l’utilisation de FNB canadiens ou de sociétés de portefeuille sont essentielles pour s’en prémunir.
Héritage ou don du vivant : quelle stratégie fiscale privilégier au Canada ?
La planification fiscale ne s’arrête pas à la retraite; elle s’étend à la transmission de votre patrimoine. Au Canada, il n’y a pas d' »impôt sur l’héritage » direct. Cependant, au décès, une personne est réputée avoir vendu tous ses biens à leur juste valeur marchande. Cela déclenche l’imposition des gains en capital latents, ce qui peut représenter une facture fiscale considérable pour la succession. Pour les actifs américains, la situation est encore plus complexe en raison de l’impôt successoral américain (« U.S. estate tax »).
Contrairement au Canada, les États-Unis imposent la valeur totale des actifs américains détenus par un non-résident au moment de son décès, et non seulement le gain. La convention fiscale Canada-États-Unis offre une certaine protection, mais le seuil d’imposition se déclenche dès 60 000 $ US d’actifs américains (actions, immobilier, etc.). Au-delà de ce montant, la succession doit produire une déclaration fiscale américaine, et l’impôt peut rapidement devenir exorbitant, atteignant jusqu’à 40%.
Face à ce risque, plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour protéger votre patrimoine. Le choix dépendra du montant des actifs, des coûts et de la complexité de chaque solution.
| Stratégie | Avantages | Inconvénients | Coût de mise en place |
|---|---|---|---|
| Détenir des FNB canadiens qui investissent aux É.-U. | Simple, efficace. Le bien détenu est une part de FNB canadien, non un actif américain. Pas d’impôt successoral US. | Le FNB subit une retenue à la source de 15% sur les dividendes US à l’interne, ce qui réduit le rendement. | Nul (frais de transaction standards). |
| Utiliser une société de portefeuille canadienne | Protection complète. La société détient les actions US, pas l’individu. | Coûts de création et de maintenance (comptabilité, déclarations). Risque de double imposition si mal structuré. | 2 000 $ – 5 000 $ et plus. |
| Souscrire une assurance-vie | Fournit les liquidités nécessaires à la succession pour payer l’impôt successoral sans avoir à liquider les actifs. | Paiement de primes régulières, qui peuvent être élevées selon l’âge et la santé. | Variable. |
Le don du vivant peut être une autre avenue, mais il faut être prudent. Donner des actions américaines à un enfant majeur peut vous faire réaliser un gain en capital imposable immédiatement (disposition réputée). La solution la plus simple et la plus accessible pour la majorité des investisseurs est souvent de détenir leurs actions américaines via des FNB domiciliés au Canada. Bien que cela introduise une petite friction fiscale (la retenue interne), cela élimine complètement le risque, beaucoup plus coûteux, de l’impôt successoral américain.
En définitive, la gestion fiscale de vos placements est un marathon, pas un sprint. Chaque décision, du choix du compte à la structure du produit, en passant par le moment de la vente et la planification successorale, doit s’inscrire dans une vision globale. Pour mettre en pratique ces stratégies et les adapter à votre situation unique, l’étape suivante consiste à revoir la composition de votre portefeuille à la lumière de ces principes d’arbitrage fiscal.